Contre-attaque de Marmont

Grande fut sans doute la surprise de Zieten à la vue de l’arrêt des Français. En effet, suivant les instructions de son maître, le maréchal Marmont a fait déployer les divisions Ricard et Joubert[1] à cheval sur la route. Selon Fabvier : « La division Ricard, qui venait de nous rejoindre, réduite par ses glorieux combats de Brienne et de Montmirail à 7 à 800 hommes, contint l’ennemi à droite; la 20e, commandée par le général Joubert, à gauche : réunies, elles avaient 4000 hommes[2] ».



Marmont met son artillerie, peut-être 24 canons, en batterie et pilonne la ligne prussienne. Dès l’arrivée de l’infanterie du général Leval en soutien, aux alentours de 10h00, l’infanterie de Marmont s’ébranle avec fougue en direction de l’ennemi. Fabvier rapporte que « la venue de l’Empereur nous avait tous remplis de joie et d’espoir. » Le bois des Essarts est facilement repris.

Réagissant à la soudaine attaque française, Zieten ordonne aux
1. schlesischen Infanterie-Regiment et 7. schlesisches Landwehr-Kavallerie-Regiment avec une demi-batterie d’artillerie de se redéployer à droite du village[3]. Le danger le plus pressant provient cependant de l’avance de Ricard directement sur Vauchamps. Les troupes françaises pénètrent dans le village, mais une contre-attaque rapidement organisée permet de les en repousser. Les Prussiens poursuivent leur avantage avant d’être ramenés par la cavalerie du général Maurin auquel se joint même l’escadron d’escorte du Maréchal. Cette charge sera suivie par celle des escadrons de service que Napoléon lance à leur trousse : « Au même instant l’Empereur fit charger par notre droite ses quatre escadrons de service, commandés par le chef d’escadron de la garde La Biffe[4] ». L’infanterie et la cavalerie française s’emparent définitivement de Vauchamps, les Prussiens se replient tant bien que mal dans la plaine derrière le village.


Sur la gauche des Français, le général Grouchy a rassemblé la cavalerie des généraux Saint-Germain et Doumerc près d’Hautefeuille[5]. La division Guyot marchera par la suite sur les pas de la cavalerie de ligne. Grouchy a reçu l’ordre d’attendre la contre-attaque de l’infanterie sur Vauchamps avant de tourner la droite de l’ennemi par l’Échelle et Sarrechamps[6]. Ce déploiement n’a pas échappé aux Prussiens qui avaient poussé des vedettes sur leur flanc, jusqu’à Corrobert.

« A farm, put down in the chart as La Ville Neuve, which lay in front of the right wing, was occupied by Kleist’s corps, but this did not hinder the hostile cavalry from turning us[7] ».

Le général Grouchy fait charger les Prussiens désorganisés, « à peine l’attaque commençait, le premier corps de cavalerie a été porté au-delà du village de Vauchamps et du bois de ce nom; j’ai fait charger sur les batteries ennemies(…)[8] » Il faut donc croire que le 2e corps de cavalerie n’y a pas pris part. L’état-major de la brigade prussienne prend rapidement la tête du
7. schlesisches Landwehr-Kavallerie-Regiment et tente de s’opposer aux cavaliers français afin de sauver une partie de l’artillerie qui résiste farouchement. La brigade Curto[9] conservera finalement 4 pièces et 5 caissons. Zieten rapporte :

« …la cavalerie française tombe sur mon aile droite, la déborde, culbute le 7e régiment de cavalerie de landwehr et pénètre dans la batterie. Celle-ci se retire par échelons en tirant à mitraille; mais elle n’en laisse pas moins la moitié de ses pièces entre les mains de l’ennemi. Je rallie à la hâte les débris du 7e de cavalerie de landwehr et chargeant à leur tête, je réussis à sauver le reste de l’artillerie. L’infanterie française en avait profité pour renouveler ses attaques contre Vauchamps que je donnai l’ordre d’évacuer. Les bataillons qui se repliaient, chargés à la sortie du village par la cavalerie française, sont coupés et cernés et malgré les efforts de ma cavalerie, sabrés et fait prisonniers[10] ».


Les Schützen chargent la cavalerie française à Vauchamps.
Die Schlesischen Schützen bei Vauchamps unter Hauptmann von Neumann am 14. Februar 1814.- R. Knötel


Ainsi, l’infanterie de Zieten, repoussée du village de Vauchamps, cherche à rejoindre le gros de l’armée prussienne en direction de Fromentières. Toutefois, la cavalerie de Grouchy les rejoint avant que les bataillons aient pu former les carrés. Des 6 bataillons qui formaient l’avant-garde, seulement 532 hommes réussiront à rejoindre Blücher. Ils seront réorganisés en un seul bataillon à La Boularderie vers 14h[11]. Le
1. schlesischen Infanterie-Regiment y perdra au total 1781 hommes, soit 80% de ses effectifs! Le drapeau du 2e bataillon sera capturé, quant à celui du 1er bataillon il semble avoir été enterré pour lui éviter un sort comparable. Il semble que seules les deux compagnies de schlesischen Schützen, 230 hommes formés en colonne, réussirent à se frayer un chemin jusqu’au gros de l’armée prussienne[12].

Quant à la cavalerie du général Laferrière-Levesque, après avoir trouvé un passage par la forêt de Beaumont, elle débouche sur la gauche des Prussiens. Les deux régiments de cavalerie prussienne qui protègent ce flanc s’efforcèrent de s’interposer, mais ils furent rejetés sur grand-route et prirent la direction de Fromentières. Ce sont finalement deux bataillons des 7e et 37e régiments de chasseurs russes, formés en carré, qui permirent à cette cavalerie de retraiter en sécurité.

«  La cavalerie française ralentie dans son élan par le terrain défoncé ne peut s’avancer qu’au trot. Elle essaie, néanmoins, d’enfoncer les carrés russes. Ceux-ci la laissent arriver jusqu’à 60 mètres environ et l’obligent par leurs feux de salve et par le tir à mitraille de leur artillerie, à renoncer à ces tentatives[13]. »



Monument en souvenir de la bataille de Vauchamps, au centre du village. En 2011, la commune comptait 361 habitants, ce qui se compare aux 369 recensés en 1806. Autant dire que le temps s’y est arrêté et qu’il est possible de se faire une bonne idée du village de l’époque…

Notes

[1] Rappelons que le général Lagrange a été blessé à la tête lors de la bataille de Champaubert.
[2] Fabvier, p.37.

[3] Plotho, III, p.186.
[4] Bulletin du 15 février au matin, adressé à S. M. l’Impératrice reine et régente.
[5] « Les corps de cavalerie, aux ordres du général Grouchy, furent réunis à gauche pour tourner l’ennemi », Fabvier, p.37.
[6] Grouchy, III, p. 159. Dans son rapport sur la journée, Grouchy débute ainsi : « Sire, les deux corps de cavalerie, commandés par les généraux Doumerc et Saint-Germain, se sont conduits, dans la journée qui vient de s’achever, avec trop d’intrépidité et d’aplomb, pour que je ne m’empresse de leur rendre, près de Votre Majesté, le juste témoignage que leur conduite mérite ». Archives nationales, Correspondance des maréchaux.
[7] Müffling, p.442.
[8] Rapport de Grouchy, Archives nationales, Correspondance des maréchaux.
[9] D’après Mathieu, source non citée.
[10]
Beiheft zum Militair-Wochenblatt, cité par Weil, II, p.213.
[11]
Damitz p.167 et Weil, II p.213.
[12] Damitz, II p.168; Weil, II p.213 et Zelle, p.139.
[13] Historique du 1er régiment de la Haute-Silésie no 22, cité par Weil, II, p.213.