Épilogue

Après Vauchamps, Napoléon aurait pu poursuivre en direction de Châlons, probablement rejoindre les corps encore épars de la
Schlesische Armee pour une autre bataille acculée à la Marne, comme à Château-Thierry le 12 février. Le résultat aura probablement été similaire, la concentration des corps de cette armée aurait été sérieusement compromise et les magasins perdus. Les alliés aurait alors dû poursuivre leur retraite plus à l’est et les Français se rabattent vers la Seine et prendre à revers Schwarzenberg. Si Oudinot et Victor, restés sur la Seine, avaient démontré un peu plus de combativité en conservant les ponts de Mery et Bray quelques jours de plus, comme Bourmont l’avait fait à Nogent, cette manœuvre aurait pu avoir des conséquences similaires à celles de la manœuvre d’Ulm ou d’Iena. En recevant les nouvelles de la Seine, l’Empereur écrira avec raison : « Je ne conçois pas la bêtise du duc de Reggio [Oudinot] de ne pas avoir défendu le passage de Bray[1]. »

Toutefois, comme l’écrit le Roi Joseph, devant l’avance de la
Hauptarmee « les inquiétudes commencent de nouveau à se manifester à Paris [2] », exposant le pouvoir impérial aux ennemis politiques, républicains, mais surtout royalistes. En effet, ce même 14 février, les corps de Schwarzenberg occupaient Méry, Villenauxe, Montereau et Moret, des avant-postes se trouvant à Provins. Les cosaques apparurent près de Pithiviers et Montargis. Venant d’Espagne en route pour Fontainebleau, les dragons du général Treilliard en ont repoussé près d’un millier à la Chapelle-la-Reine.

C’est pourquoi la possibilité de poursuivre le
Feldmarschall prussien vers l’est n’a sans doute jamais été sérieusement envisagée par l’Empereur : dès la victoire acquise à Vauchamps, la plupart des formations qu’il a sous la main retournent vers l’ouest, en conformité avec le plan échafaudé la veille. Il y a aura donc concentration de l’armée française à Montereau; Marmont et Mortier devant couvrir le mouvement. Ce sera autour du généralissime autrichien de recevoir la visite de Napoléon.

Bien décider à servir la même médecine à la
Hauptarmee, c’est sans hésitation que l’Empereur prit la direction de Meaux au petit matin le 15 février. C’est vers Guignes que les différents corps doivent se réunir avec l’intention d‘y livrer bataille le 17. La bataille de Montereau aura effectivement lieu le 18 février.

En peu de temps, Schwarzenberg fut informé par Diebitsch du résultat de la journée du 14 sur la Marne. Puis un billet griffonné au crayon de la main de Blücher lui parvint à l’effet que : « l’ennemi (…) fit volte-face et se jeta sur nous avec de grosses masses de cavaleries. (…) l’armée se retire sur Champaubert, et, selon les évènements, plus en arrière encore…[3]». Une telle nouvelle n’avait rien pour rassurer le prudent généralissime autrichien, affectant les opérations militaires.

Les conséquences politiques de la bastonnade infligée à Blücher sont beaucoup plus importantes. Après la bataille de La Rothière, le Tsar était bien décidé à dicter la paix à la tête de son armée depuis les Champs-Élysées. Les négociations de paix n’étaient pas encore commencées. Sans obtenir de réponse, Caulaincourt avait demandé à Metternich le 9 février un armistice immédiat si la France acceptait de rentrer dans ces anciennes frontières. Le diplomate autrichien s’était gardé de communiquer cette lettre à ses homologues, les circonstances ne s’y prêtant pas : le parti de la guerre avait le vent dans les voiles. Le généralissime en avait toutefois été informé : « De source très confidentielle, je sais que Caulaincourt est prêt à souscrire aux anciennes frontières de la France telles qu’elles étaient du temps de la royauté. L’empereur Alexandre n’en demande pas plus; mais il insiste pour continuer jusqu’à Paris. Je crains que nous de devions payer ce voyage de beaucoup de sang humain[4]». Ce sera effectivement cas!


Notes

[1] Napoléon à Joseph, Montmirail, 15 février 1814, 3 heures du matin.
[2] Joseph à Napoléon, Paris, 14 février 1814, 10 heures du soir.
[3] Cité par Weil, II, p.118.
[4] Schwarzenberg à sa femme, Troyes, 11 février 1814.