La bataille de Montmirail-Marchais - 11 février 1814

Marmont rapporte qu’après le combat de Champaubert, l’Empereur est ivre de joie[1]. L’opération minutieusement planifiée s’avère encore plus prometteuse qu’initialement prévue. La jonction de tous les corps de Blücher est maintenant impossible, car ils sont beaucoup plus espacés qu’anticipé. Deux options s’offrent à l’Empereur : poursuivre Blücher — qui ne manquera pas de retraiter — ou se rabattre sur Sacken et Yorck. Les deux subordonnés de Blücher ne peuvent faire leur jonction qu'à Château-Thierry ou Montmirail.

Le combat de Champaubert était à peine terminé que déjà l’Empereur ordonne au général Nansouty, commandant de toute la cavalerie de la Garde, de se rendre à Montmirail avec deux de ses trois divisions un soutien d’infanterie.

La veille de Montmirail, 10 février 1814
Ferdinand Gueldry, Musée de l'Armée, Paris

« L’empereur ordonne qu’avec la 1re et la 2e division de cavalerie de la Garde et la brigade d’infanterie du 6e corps, vous vous portiez cette nuit à Montmirail. Vous tâcherez de surprendre la garnison moyennant l’aide des gens du pays, et vous pousserez sur-le-champ des partis dans la direction de Vieux-Maisons. Vous donnerez l’ordre à la 2e division de cavalerie de la Vieille-Garde de partir à trois heures du matin avec tout le quartier général, afin d’arriver à huit heures du matin à Montmirail »[2].
La division Ricard devra suivre pendant la nuit : « Faites partir demain à 3 heures du matin la division Ricard, avec sa cavalerie (sic), pour se rendre à Montmirail; gardez à Étoges la division Lagrange et le premier corps de cavalerie »[3] La division Friant ce mettra en route à quatre heures du matin. Quant aux deux divisions de Jeunes Gardes du maréchal Ney, elles devaient se mettre en route à six heures du matin.


D’obscures raisons feront qu’elles seront absentes le lendemain. Peut-être que le maréchal Ney accompagnant l’Empereur, les ordres ont-ils été mal exécutés? Je n’ai pas trouvé trace d’un quelconque blâme pour cette grave négligence. L’euphorie de la victoire aurait-elle fait oublier ce manquement aux ordres?

Le maréchal Mortier, à Sézanne, doit se mettre en marche à l’aube :
« L’empereur ordonne que vous partiez demain à la pointe du jour avec la division Defrance, la 3
e division de la Vieille-Garde et tout, absolument tout ce qui est à Sézanne, pour vous rendre, par la route directe à Montmirail, où l’empereur sera cette nuit. Il est nécessaire que vous arriviez le plus tôt possible; vous aurez soin de nous faire connaître à quelle heure vous y arriverez »[4].




Jusqu’à la nouvelle de la destruction du corps d’Olsufiev, Blücher ne semble pas avoir cru à un mouvement en force de l’Empereur. Contre toute logique, les corps de Kleist et Kapsewitch continuèrent leur mouvement en direction de Fère-Champenoise. Ce n’est que le 10 février au soir qu’ils furent rappelés sur Bergères.

Le 10 février matin, un ordre de Blücher prescrit à Yorck de faire mouvement sur Montmirail tout en gardant le pont de Château-Thierry afin de passer sur l’autre rive de la Marne en cas de nécessité. Sacken reçoit l’ordre de faire sa jonction avec Yorck le 10 à Montmirail pour « être en état de se frayer le chemin de Vertus dans le cas où l’ennemi se serait établi entre les deux corps et le feld-maréchal »[5].

Les deux généraux alliés recevront ces ordres à la nuit tombée. Sacken, trop avancé en direction de Paris, ne pourra pas être à Montmirail le 10 février. Après avoir reçu la lettre de Blücher, il détruit le pont qu’il venait de rétablir et quitte La Ferté-sous-Jouarre vers 21 heures. Il n’arrivera à Vieils-Maisons que 12 heures plus tard, bien après que Nansouty se soit déployé à l’ouest de Montmirail, à cheval sur la route reliant cette ville à Château-Thierry et la chaussée menant à Paris.

Yorck fait répondre à Blücher qu’il n’a pas de nouvelles de Sacken et qu’il concentrera son corps le lendemain, 11 février, à Viffort, soit à mi-chemin entre Château-Thierry et Montmirail. Il pousse tout de même sa cavalerie vers Montmirail. Lorsqu’il arrive à Viffort, il apprend que ses reconnaissances ont rencontré des postes français à Rozoy et Fontenelle et que Montmirail n’est plus occupé par les cosaques.

Yorck dépêche le major von Schack auprès de Sacken pour le convaincre de retraiter en direction de Château-Thierry. La rencontre a lieu à Vieils-Maisons. Peine perdue, Sacken est convaincu qu’il peut se frayer un chemin sur le dos des Français.



Notes

[1] Marmont, XIX, p.52.
[2]
Registre de Berthier, cité par Colin, p.335.
[3]
Ordre de Napoléon à Marmont, Champaubert, 8 heures, cité par Colin p.336.
[4]
Registre de Berthier, cité par Colin, p.336.
[5] Weil, II, p.187.