À la fin des guerres napoléoniennes, les ennemis de la France auront progressivement comblé leur retard tactique. Cependant, au printemps 1813, Napoléon a assemblé à la hâte une nouvelle Grande Armée constituée principalement de conscrits. La qualité des troupes n’a plus rien à voir avec celle des années précédentes.

Pourtant, les alliés prussiens et russes subissent une série de défaites, en particulier à Lützen et à Bautzen. La maîtrise tactique des Prussiens ne devait pas être parfaitement au point, d’où la nécessité dans laquelle se trouve le roi de Prusse, le 10 août 1813, de faire cet intéressant rappel à ses officiers.


Instruction pour les commandants des corps, brigades, etc.,
donnée par le roi Frédéric-Guillaume pendant la trêve de 1813.


Comme j’ai remarqué, dans les combats et batailles, que les différentes armes n’ont pas toujours été convenablement mises en action et que généralement les dispositions pour le combat laissent à désirer, je veux à l’occasion de la prochaine reprise des hostilités rappeler les règles de guerre suivantes :

1. D’après la manière dont notre adversaire fait la guerre, il n’est généralement pas convenable de commencer le combat par la cavalerie, ni de mener immédiatement toutes les troupes au combat. De la façon dont il emploie son infanterie, il parvient à retarder et à nourrir l’action; il s’empare des villages et des bois, se cache derrière des maisons, des buissons, des fossés; il sait se défendre avec adresse contre nos attaques en attaquant lui-même; il nous fait subir des pertes avec peu de troupes quand nous avançons contre lui avec de grandes masses; puis il relève ces troupes ou en envoie des fraîches au combat et si nous n’avons pas de notre côté des troupes fraîches à lui opposer, il nous fait fléchir. Nous devons donc tirer de là ce principe, qui est celui de l’ennemi, de ménager nos forces et de nourrir le combat jusqu’à ce que nous passions à l’Attaque principale.

2. Notre artillerie n’a pas produit grand effet, parce que nous l’avons trop divisée (…)

6. La guerre en général, mais surtout l’issue d’un combat dépend de la supériorité des forces sur un point.

7. Pour obtenir cette supériorité de forces, il est nécessaire de tromper l’ennemi sur le vrai point d’attaque et de faire une fausse attache et une attaque réelle.

8. Les deux attaques doivent être masquées par des tirailleurs, afin que l’ennemi ne puisse distinguer.

9. Une ligne de tirailleurs est lancée d’abord. On attire l’attention de l’ennemie par plusieurs bataillons destinés à tirailler sur une des ailes, qu’on fait canonner vivement en même temps. Tel doit être le commencement du combat.

10. Pendant ce temps, l’attaque véritable est encore retardée, et elle ne commence que plus tard, au moment où l’attention de l’ennemi est entièrement portée sur la fausse attaque.

11. Cette attaque réelle se fait aussi rapidement et aussi vigoureusement que possible surtout par une grande masse, d’artillerie et d’infanterie, supérieure en forces, quand on le peut, pendant qu’un corps particulier contourne le flanc de l’ennemi…

12. En principe, on affecte :
..........1 brigade à la fausse attaque;
..........2 brigades à la vraie;
..........1 brigade à la réserve.

Ce sont là des principes qui vous sont connus et qui ont été recommandés à plusieurs reprises. Nous les avons fréquemment mis en pratique dans nos manœuvres de paix, mais je vous les rappelle, car ce qui est connu s’oublie quelquefois, parce que par sa simplicité cela paraît être une chose ordinaire et cependant la victoire en dépend souvent. Si on n’y prend garde et si on ne le rappelle tous les jours, on tombe dans des dispositions trop savantes, ou bien on marche au combat sans aucune disposition, ce qui est pire[1].


Note

[1] Cette instruction est citée dans Foch, Ferdinand. Des principes de la guerre : conférences faites à l'École supérieure de guerre, Berger-Levrault & Cie, Éditeurs, Paris, 1903, p.303-305.