Rapport du maréchal Marmont – 14 février 1814

Étoges, le 14 février 1814

Sire,
Votre Majesté a été témoin de tout ce qui s'est passé dans la journée, de tout ce que la prise du village de Vauchamps et des deux mille prisonniers qui y ont été faits a de glorieux pour le sixième corps. Ainsi je ne la fatiguerai d'un récit superflu en ce moment, mais je ne dois pas différer de l’informer de la fin de la journée qui la couronne d'une manière convenable. Après les belles charges que le général Grouchy a fait faire, l'infanterie ennemie étant cantonnée et établie dans le bois, il n'a plus été possible de l'entamer avec de la cavalerie, et, quoique la nuit fut venue, j’ai cru qu'il était utile de la culbuter et de la jeter dans le défilé d'Étoges.

En conséquence, je me suis emparé des premières troupes d'infanterie que j'ai eues sous la main, pour pousser une colonne dans cette direction. Mais cette disposition utile a été un moment suspendue les obstacles qu'y a mis le prince de la Moskowa, qui, sans titre légitime, puisqu'il était sans commandement et sans raison, à empêché les
troupes de marcher.

Ayant pu réunir quelques troupes du sixième corps, j'ai cherché à réparer le temps perdu, en hâtant leur marche. Elles ont balayé tout ce qu'elles ont trouvé sur la route et à la lisière des bois, pris beaucoup de monde, éparpillé un grand nombre d'hommes dans la forêt, pris trois pièces de canon, plusieurs caissons, culbuté les masses qui étaient à la tête du village d’Étoges, et pris douze cents Russes de la huitième division, le général prince Ouroursoff qui la commande, un colonel, deux majors et un grand nombre d’officiers : tous ces prisonniers faits à coups de baïonnette ou de crosse de fusil. Le général Ourousoff, étant blessé d’un coup de baïonnette, ne pourra partir que lorsqu’on aura pu trouver une voiture pour le transporter ; j’envoie à Votre Majesté le colonel, qui est fort intelligent, et qui parle avec beaucoup de bonne foi de la situation de l’armée. D’après ce qu’il m’a dit, la huitième division est forte de dix bataillons, qui viennent d’être complétés à cinq cents hommes chacun. Il estime le corps de Kleist à six mille hommes, ce qui ferait onze mille hommes d’infanterie, à qui nous avons eu affaire aujourd’hui. Il ajoute que ce corps d’armée a soixante-dix pièces de canon.

Le général Grouchy rendant compte directement à Votre Majesté de ce qu'il a fait, je n'entrerai à cet égard dans aucun détail.
Il parait que l'attaque de nuit faite sur les Russes les a tout à fait déconcertés. Les douze cents prisonniers russes partiront à minuit pour Montmirail.